Le cycle menstruel : et si on arrêtait d’en faire un tabou ?

Sujet longtemps réduit au silence, le cycle menstruel revient au centre des conversations. Et c'est tant mieux. Parce que derrière ces quelques jours de saignements, il y a bien plus qu'une simple affaire de protections hygiéniques : un indicateur puissant de santé, des fluctuations hormonales qui influencent nos émotions et notre énergie, et une histoire qui mérite d'être racontée. Décryptage d'un phénomène aussi intime qu'universel.
Règles et société : d'un tabou à une prise de conscience
Il fut un temps où, dans certaines familles, les premières règles étaient accueillies par une gifle. Une tradition censée "marquer" le passage à l'âge adulte, mais qui, au fond, révélait surtout la gêne et la méconnaissance entourant les menstruations. Aujourd'hui encore, les règles restent un sujet délicat, souvent minimisé ou relégué au rang de détail gênant. Pourtant, comprendre le cycle menstruel, c'est comprendre le fonctionnement du corps féminin. Un enjeu de santé, mais aussi de société.
Règles et sorcellerie : une histoire d'oppression
Dans de nombreuses cultures anciennes, les règles étaient considérées comme impures. Les femmes menstruées étaient isolées, interdites de certains lieux ou rituels religieux. Dans l'Europe médiévale, les connaissances féminines sur le corps, les cycles et les plantes médicinales étaient perçues comme suspectes. Beaucoup de femmes accusées de sorcellerie étaient en réalité des guérisseuses, des sages-femmes ou des femmes simplement conscientes de leur nature cyclique. Le savoir féminin a longtemps été réprimé, et les menstruations, pourtant naturelles et vitales, ont été entourées de mystères et de superstitions.
Le corps des femmes, un grand inconnu pour la médecine
Pendant des siècles, la médecine a été pensée par et pour les hommes. Le corps féminin, trop complexe, trop "mystérieux", a été largement ignoré par la science médicale. On parlait d'"hystérie" pour décrire n'importe quel trouble féminin, les douleurs menstruelles étaient minimisées et les variations hormonales peu étudiées. Ce n'est que récemment que la médecine a commencé à réellement s'intéresser aux spécificités du cycle menstruel et à comprendre son impact sur la santé globale des femmes. Encore aujourd'hui, beaucoup de recherches sont nécessaires pour combler ce retard.
Un cycle, quatre phases : la danse des hormones
Non, les règles ne sont pas un phénomène isolé. Elles ne sont qu'un fragment d'un cycle hormonal complexe, découpé en quatre phases :
Phase menstruelle : L'utérus élimine sa muqueuse. C'est souvent un moment de fatigue et de repli, où le besoin de douceur et de ralentissement se fait sentir.
Phase folliculaire : Les niveaux d'œstrogènes augmentent, boostant l'énergie et la motivation. Idéal pour démarrer de nouveaux projets !
Ovulation : Période de fertilité maximale, mais aussi de confiance en soi et de charisme au sommet.
Phase lutéale : Si l'ovule n'a pas été fécondé, le taux de progestérone chute, entraînant parfois irritabilité, fatigue et autres symptômes prémenstruels.
Apprendre à reconnaître ces variations, c'est mieux comprendre son corps et s'adapter à son propre rythme plutôt que de le subir.
Suivre son cycle, un outil puissant
Pourquoi ne pas faire de son cycle un allié ? Des applications comme Clue, Flo ou Glow permettent de suivre les variations hormonales et d'anticiper les moments de fatigue, de pic d'énergie ou de sensibilité émotionnelle. Un moyen simple et efficace de se reconnecter à soi-même.
Les douleurs menstruelles : stop aux idées reçues
On a trop souvent entendu que souffrir pendant ses règles était normal. Alors que ça ne l'est pas. Des douleurs intenses peuvent être le signe d'un déséquilibre hormonal, voire d'une pathologie comme l'endométriose.
D'où viennent les douleurs ?
Inflammation chronique, souvent liée à l'alimentation.
Foie surchargé, qui peine à éliminer les excès hormonaux.
Dysbiose intestinale, impactant directement l'équilibre hormonal.
Stress et tensions musculaires, amplifiant les crampes.
Des solutions naturelles existent
Adopter une alimentation anti-inflammatoire : privilégier le magnésium (amandes, chocolat noir, bananes) et éviter les sucres raffinés.
Se tourner vers les plantes : framboisier, camomille ou achillée millefeuille pour soulager les tensions.
Chaleur et mouvement : une bouillotte sur le ventre, du yoga ou de la marche pour détendre les muscles.
Cycle, émotions et héritage transgénérationnel
Les variations hormonales influencent bien plus que l'utérus : elles impactent aussi notre état émotionnel. Avant les règles, certaines ressentent une hypersensibilité accrue, de l'irritabilité ou de la fatigue. Ce n'est ni une fatalité ni un caprice, mais une réalité biologique profondément enracinée.
Mais, saviez-vous que notre cycle menstruel est lié à notre histoire familiale ? À trois mois de grossesse, une fille en développement dans le ventre de sa mère possède déjà tous les ovocytes qui donneront naissance à ses futurs enfants. Ces ovocytes étant formés dans le corps de la fœtus avant même sa naissance. Ce lien biologique tisse une connexion transgénérationnelle invisible mais puissante entre les femmes d'une même lignée.
Cela soulève la question de l'épigénétique, un domaine qui étudie la manière dont des facteurs environnementaux, des émotions ou des expériences vécues par nos ancêtres peuvent influencer l'expression de certains gènes dans les générations suivantes. Ainsi, des douleurs, des déséquilibres hormonaux ou même des émotions peuvent être hérités de nos mères et grands-mères, créant des schémas récurrents dans la manière dont nous vivons nos cycles. L'épigénétique nous montre comment notre histoire familiale, même sur plusieurs générations, peut avoir un impact sur notre corps et notre bien-être aujourd'hui.
Mieux vivre les fluctuations émotionnelles
Un sommeil de qualité et des moments de détente pour apaiser l'anxiété.
Un apport suffisant en fer et magnésium pour limiter la fatigue.
Apprendre à accepter ses cycles énergétiques plutôt que de lutter contre.
Explorer son héritage familial : noter si les douleurs ou les troubles hormonaux sont fréquents dans la lignée féminine et en parler avec un thérapeute si besoin.
Pilule : une solution universelle ?
Prescrite pour réguler le cycle et atténuer les douleurs, la pilule masque souvent les symptômes sans traiter leur cause. Ses effets secondaires (baisse de libido, troubles de l'humeur, carences) méritent réflexion avant d'en faire une solution par défaut.
Aller plus loin : comprendre son corps pour mieux le vivre
Vivre en harmonie avec son cycle, c'est avant tout apprendre à l'écouter. Quelques habitudes à adopter :
Bouger différemment selon les phases du cycle : privilégier le yoga et la marche en phase menstruelle, et des entraînements plus intenses en phase folliculaire et ovulatoire.
Adapter son alimentation : intégrer plus de protéines et de bons gras en phase lutéale pour stabiliser l'humeur et l'énergie.
Se donner du temps : certaines phases appellent au repos et à l'introspection. Apprendre à ralentir n'est pas un luxe, mais une nécessité.
Et si on changeait de regard sur les règles ?
Les menstruations ne sont ni un problème ni une faiblesse. Elles sont un indicateur puissant de notre santé et un baromètre de notre équilibre intérieur. Alors, plutôt que de les subir en silence, pourquoi ne pas les comprendre et les apprivoiser ?
Accepter son cycle, c'est s'accepter soi-même. Et ça, c'est le vrai pouvoir féminin.